On parle souvent de gestion des émotions, d’émotions débordantes, de difficulté ou facilité à les exprimer et de tout l’inconfort qu’elles peuvent générer. Certains les taisent, d’autres les mangent ou les boivent, on les ignore en pensant que ça passera. De la tête au corps, effectivement. Alors de quoi parle-t-on au juste, comment ça fonctionne et comment en faire ses alliées ?
Définition du dictionnaire Robert : État affectif intense, caractérisé par des troubles divers (pâleur, accélération du pouls, etc.).
Larousse:
1. Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. : parler avec émotion de quelqu’un.
2. Réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement.
Au sens de la psychologie : L’émotion est le résultat d’une interaction entre l’environnement et le monde intérieur. Elles impliquent des phénomènes neurologiques (système limbique), biologiques (sensations physiques), psychologiques (perceptions) et peuvent être plusieurs à se chevaucher au même moment.
Si les émotions peuvent déranger notre société majoritairement Yang, orientée sur la productivité et la résistance, elles ne sont pas irrationnelles ni une invention de l’esprit pour autant. Elles relèvent simplement de l’autre pôle, le Yin, en ce qu’elles sont impalpables et sensibles. Yin & Yang sont complémentaires, il nous reste encore pas mal de progrès à faire à bien des niveaux pour pleinement intégrer les bénéfices de la réunion de ces deux pôles, mais c’est un autre sujet -d’avenir je l’espère.
Plongeons donc dans cet univers Yin des émotions. Si elles sont impalpables, on peut en revanche plus ou moins fortement, selon sa sensibilité, ressentir les siennes, et aussi percevoir sur le visage de l’autre son émotion et imaginer ce qu’il ressent. Cela se fait notamment grâce à l’activation de nos neurones miroirs (voir mon article à ce sujet) qui jouent un rôle dans ce qu’on appelle l’empathie, ou capacité à s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent. Et lorsque l’on ressent quelque chose, qu’on le vit, lorsqu’on en fait l’expérience par soi-même, alors les preuves sont là, c’est physique.
Etymologiquement, le mot « émotion » vient du latin « ex » pour « vers l’extérieur » et « movere », qui veut dire « ébranler », « bouger ». Le Larousse le traduit par « ce qui nous met en mouvement et nous jette au dehors ». On pourrait aussi le comprendre comme une « réaction à l’extérieur », un « mouvement stimulé par le vécu extérieur ».
Effectivement, chaque émotion est une information sur ce que l’on vit ou vient de vivre, résultant de l’interaction entre notre monde interne et ce que l’on perçoit au dehors, de notre environnement, qu’il soit social, sensoriel (olfactif, auditif ou autre) et/ou plus subtil. L’émotion se construit en fonction de ces perceptions externes passées sous le filtre de notre vécu, nos expériences et mémoires, conscientes ou non. Si le ressenti est propre et unique à chacun, les émotions ont ce caractère universel qui nous permet de les identifier et de les nommer de façon compréhensible par la plupart. Les émotions n’ont ni maître ni frontière, et maintes études sont faites pour mieux comprendre celles des animaux. Elles ne sont pas exclusives à l’Homme.
Une émotion est donc une réaction naturelle et spontanée à une situation, un événement, ou une pensée. Elles sont essentielles car nous permettent de nous adapter à notre environnement, communiquer avec les autres et prendre des décisions en fonction de ce que nous ressentons, en fonction de ces mémoires et expériences passées inscrites en nous. Ce traitement de l’information est un mécanisme qui dépasse largement la conscience et dont on ne se rend pas compte.
Une émotion est passagère, elle nous parcourt en se manifestant à la fois dans le corps (avec des sensations physiques comme une accélération du rythme cardiaque, ou physiologiques avec des sueurs, par exemple), et dans notre esprit (avec par exemple des ressentis comme l’euphorie ou l’angoisse), ce qui nous permet de la remarquer sur le plan conscient, d’en prendre conscience par le ressenti qu’elle induit.
Si elles sont innées et surgissent automatiquement face à certaines situations, on les identifie largement. Je vous présente ici les 6 émotions dites primaires – d’où peuvent découler d’autres émotions qu’on appellera secondaires – et universellement reconnues :
JOIE : réaction d’expansion face à quelque chose d’agréable, qui nous pousse à communiquer et à rechercher ce qui nous fait du bien.
TRISTESSE : réaction face à un manque, une sensation de vide, une perte, une déception ou une situation difficile qui nous incite à exprimer notre douleur, à faire le deuil (de quelque chose ou quelqu’un) et à accepter.
PEUR : réaction face à une menace, un danger ou l’appréhension d’une insécurité, dont le but est de nous inciter à nous protéger en déclenchant une réaction de lutte, fuite ou sidération (3F en anglais : fight, flight or freeze).
COLÉRE : réaction face à une injustice, une frustration, le non-respect de limites, une agression ou une blessure qui nous incite à réagir plus ou moins fortement pour rétablir un équilibre, « repousser l’ennemi hors de ses frontières ».
DÉGOÛT : réaction face à une personne, situation ou un objet potentiellement dangereux pour nous, qui nous incite à rejeter et nous éloigner.
SURPRISE : réaction face à l’inattendu qui permet une réévaluation rapide de la situation.
Les émotions ont un rôle primordial dans notre survie et notre bien-être. Chaque émotion nous envoie un message important et nous pousse à agir d’une certaine manière :
1) INFORMATION : Les émotions nous donnent des informations sur ce que nous vivons et ce que nous ressentons face à des situations spécifiques.
2) MOTIVATION À L’ACTION : Elles sont souvent le moteur de nos comportements. Par exemple, la peur nous incite à répondre à un danger, en fuyant, en luttant, ou en s’immobilisant. Avez-vous déjà vu une poule se faire attaquer par un chien ? Elle se couche et « fait la morte », c’est une réaction instinctive non-consciente, que l’on retrouve malheureusement dans beaucoup de cas de viols également car l’ennemi est perçu comme insurmontable, la situation comme inévitable, la voie sans issue – et qui peuvent provoquer des dissociations ou sorties de corps). La colère, elle, peut nous donner l’énergie nécessaire pour défendre nos droits, nos frontières et clairement redélimiter ce qui est ok pour nous et ce qui ne l’est pas.
3) RELATIONS SOCIALES : Les émotions nous permettent de communiquer nos besoins et nos ressentis aux autres. Elles jouent un rôle essentiel dans nos interactions et dans la création de liens avec les autres. Comme on en parlait au début, nos neurones miroirs et plus largement notre capacité d’empathie nous permet de comprendre ce que l’autre vit intérieurement et/ou extérieurement, et vice versa, on se sent compris et cela renforce le sentiment d’appartenance indispensable au vivant.
Le mécanisme d’une émotion suit plusieurs étapes :
1) DÉCLENCHEUR : Une situation, un événement, une personne ou même une pensée peut être à l’origine d’une émotion. Par exemple, voir une araignée peut provoquer de la peur chez certaines personnes, être témoin d’une injustice peut provoquer de la colère, partir loin d’un être cher peut engendre de la tristesse, et manger de la coriandre peut susciter du dégoût chez certains.
2) RÉACTION CORPORELLE : Chaque émotion s’accompagne d’une réaction physique. Quand on ressent de la peur par exemple, on peut avoir le cœur qui s’accélère et/ou les mains moites. On peut avoir le visage qui rougit en plus du cœur qui s’emballe lorsqu’on est en colère. On peut blêmir de peur avec les jambes qui flageolent, etc.
3) INTERPRÉTATION COGNITIVE : Notre cerveau passe l’info à travers nos propres filtres et interprète ainsi la situation en fonction de notre vécu, de nos expériences passées, de ce qu’on nous a transmis, de notre éducation, de nos croyances et de notre état d’esprit du moment.
4) COMPORTEMENT : Nous adopterons alors un comportement spécifique en réponse à cette émotion ressentie selon l’analyse cognitive qui en a été faite. On va par exemple sourire de joie, pleurer de tristesse, s’enfuir en courant si on a peur, sursauter de surprise, repousser un aliment de dégoût, froncer les sourcils en colère…
Comme vous l’aurez compris, notre vécu, nos expériences passées, notre héritage et notre chimie intérieure influence grandement notre interprétation cognitive de nos émotions, et donc leur réponse. Certaines personnes auront des réactions plus vives que d’autres dans certaines situations, pour une partie c’est une plus grande sensibilité voire hyperémotivité globale, pour d’autres ça peut être déclenché par certaines situations, personnes ou certains objets. C’est en général éprouvant pour la personne qui le vit, même si ce sont souvent les proches qui vont aborder le sujet face au sentiment d’impuissance qu’ils peuvent ressentir aux côtés d’une personne dont les émotions sont plus grandes voire exacerbées ou débordantes. On parle alors de gestion des émotions. Comme s’il s’agissait d’une entreprise… le terme régulation semble plus adéquat, mais me paraît encore inexact, bien qu’une belle présentation. Ce qui importe réellement, ce n’est pas de réguler pour ne pas faire de vague et ne rien déranger ni personne, mais plutôt d’apprendre à vivre avec ses émotions, à les entendre, les écouter et les comprendre. C’est ici une des clés principales de la connaissance de soi.
Et s’il y a bien une personne avec qui on est coincé sur cette Terre, c’est nous-même. Alors autant apprendre à nous comprendre pour mieux nous connaître et ainsi nous accepter. Ca favorise l’amour de soi, le soutien personnel et le respect de soi. Ce sont des choses qu’on a tendance à rechercher à l’extérieur, mais tout ce qu’on recherche à l’extérieur, on en a les ressources en soi, et c’est là que ça commence.
La régulation des émotions est une compétence que l’on peut apprendre et affiner au fil du temps. Voici quelques étapes pour mieux gérer ses émotions :
1) IDENTIFIER L’ÉMOTION : Quand on ressent des émotions, il est important de leur accorder une place, les laisser respirer en soi, et ainsi les accepter. Ça nous permettra de reconnaître leur existence et de les nommer. On pourra par exemple dire : « Je me sens en colère », « J’ai peur », « je ressens de la culpabilité », etc. Préférez utiliser « je me sens » que « je suis », car on n’est pas une émotion, rappelez-vous son caractère passager, on ne s’identifie pas à une émotion, on ne l’est pas, on la ressent.
2) COMPRENDRE SON DÉCLENCHEUR : Une fois l’émotion identifiée, il est important de comprendre ce qui l’a déclenchée. Est-ce un événement précis, une pensée, une parole ? Lorsque l’intensité de l’émotion vécue semble disproportionnée ou en décalage avec ce qu’il vient de se passer, il y a de fortes chances pour qu’un élément de la situation ait rappelé à une partie de votre cerveau, limbique, une situation passée de façon inconsciente, et déclenché la même réponse qu’alors. Ca fait partie des choses que l’on aborde en Kinésiologie ainsi qu’en EFT.
3) ACCUEILLIR SON ÉMOTION SANS LA – NI SE – JUGER : Il est essentiel d’accepter son émotion sans essayer de la refouler ou de la juger négativement, et de ne pas se jeter la pierre mais plutôt être son propre soutien, sa meilleure amie comme je dis souvent. Toute émotion est légitime et vous porte un message dont l’objectif est de vous être utile. Don’t shoot the messenger. Comme évoqué précédemment, il se peut que le cerveau, ne faisant pas la distinction entre passé, présent et futur, ait assimilé la situation que vous vivez à un souvenir passé et déclenché, dans le but de vous servir, une émotion qu’il pensait adéquate, alors qu’en réalité elle n’est peut-être pas adaptée à la situation actuelle. Faisons preuve de compassion envers nos émotions, qui ne nous veulent que du bien, et si cela se produit, c’est probablement qu’un dossier douloureux du passé est ressorti de son tiroir et mérite d’aller se (re)pencher dessus, afin de pouvoir l’apaiser et le remettre à sa place. Même si c’est quelque chose que vous avez maintes fois « traité ».
4) EXPRIMER L’ÉMOTION DE FAÇON APPROPRIÉE : La fameuse régulation des émotions, gestion comme certains disent, c’est en réalité dans leur expression que cela s’apprécie concrètement de l’extérieur, mais ça change grandement la donne sur le vécu intérieur également. La première chose à faire en termes d’expression est, comme on l’a vu, de nommer ces émotions. Ensuite, les exprimer peut passer par la parole, l’écriture, l’art (peinture, dessin, chant, musique…) ou encore une activité physique (pour se défouler par exemple, ou pour apaiser). Les émotions s’impriment momentanément en nous, et de façon à ce que cette impression ne soit pas de longue durée, l’ex-pression permet de les ex-primer, dans le sens de les désimprimer et de ressortir leur pression vers l’extérieur également également. Il convient de libérer ces émotions de façon saine pour soin et les autres, sans nuisance qui ne ferait que creuser la blessure. Et si ça arrive, c’est comme ça, mais c’est alors important d’en parler voire de se faire aider par un professionnel.
5) ADOPTER DES STRATÉGIES DE RÉGULATION : Evidemment, quand on est au cœur de ses émotions, ce n’est pas facile de prendre en même temps du recul, on ne peut pas être à deux endroits à la fois. Cependant avec de la conscience, de l’amour et de la pratique, on peut faire de plus en plus d’allers-retours entre ce cœur et cette position de recul. Et pour s’aider, rien de tel que : respirer en conscience, pour défocaliser de l’émotion. Inspirer sur 5 temps puis expirer sur 5 temps par exemple (cohérence cardiaque), ou bien la technique de respiration en carré ou 4×4 (inspirer sur 4 temps / retenir poumons pleins sur 4 temps / expirer sur 4 temps / retenir poumons vides sur 4 temps, et recommencer). Si ces émotions vous amènent à une crise d’angoisse cela dit, ou que vous avez trop « le nez dans le guidon » de l’émotion, respirez comme vous pouvez ! Boire de l’eau est également d’une aide précieuse, ça aide à fluidifier et ça aide à clarifier le mental. Vous pouvez également pratiquer la méditation, faire une pause (qui ne s’est jamais échappé aux toilettes, dans la cuisine, dans sa chambre suite à une émotion intense qui submerge ?), parler à votre enfant intérieur, ou vous accorder un moment de relaxation afin d’apaiser une émotion trop intense et de retrouver votre paix intérieure, votre centre, vos limites, votre sécurité intérieure, votre amour de vous-même.
6) DÉCRYPTER LE MESSAGE DE SON ÉMOTION : Une émotion est là pour nous dire quelque chose dans le but de nous aider à retrouver notre équilibre. Quelque chose nous émeut, voire nous déstabilise, et l’émotion a pour vocation à restabiliser. Chaque émotion est porteuse d’un message. Lorsqu’elle est désagréable, il est très intéressant de se poser ces questions :
- Quelle est cette émotion (peur / dégoût / colère / tristesse / honte…) ? Ok, il y a cette histoire d’émotions primaires, mais si vous ressentez de la culpabilité, de la jalousie, de la haine ou autre, nommez-là comme vous la sentez. Ce n’est pas le moment de chercher une case mais de ressentir. #aufeeling
- Comment et où ça m’a saisi dans le corps ? Frissons dans le dos, nœud au ventre, tempes qui pulsent, gorge qui chauffe, poitrine qui se serre, jambes qui se dérobent, tension physique… Vous pourrez par la suite apposer vos mains sur cette zone – ou par la pensée pour éviter les contorsions -, et y envoyer de l’amour, de la lumière, ou juste de la présence.
- Qu’est-ce qui l’a déclenchée ? Attitude d’une personne, paroles, évènement, odeur, bruit, contact, contexte, vitesse…
- Que me rappelle le déclencheur de cette émotion, quand est-ce que j’ai déjà ressenti ça ? Généralement en lien avec une ou plusieurs situations passées. Laissez venir, et acceptez s’il n’y a pas de souvenir conscient, ce n’est peut-être pas le moment et c’est ok. #selflove
- Quel est le besoin caché derrière cette émotion ? Vous pouvez retrouver ma publication à ce sujet sur mon profil Instagram @lakinesio40. Pour rappel, à titre non-exhaustif :
- Colère : Besoin de changement, de respect, de considération, de reconnaissance…
- Tristesse : Besoin d’amour, de soutien, d’écoute, de réconfort…
- Peur : Besoin de sécurité, de stabilité, de confiance, de protection…
- Dégoût : Besoin d’amour, de justice, de réconfort, de protection, de s’éloigner…
- Si c’était un enfant qui se sentait comme ça, que lui dirais-je ? Parlez à votre enfant intérieur, mettez vos mains sur votre cœur, envoyez de l’amour et de la compassion par la pensée à cet enfant intérieur, cette part de vous qui s’est sentie en difficulté ou mise à mal. Autant de fois que nécessaire.
Émotion et sentiment, quelle différence ? Il est fréquent de confondre émotions et sentiments, mais il existe une différence subtile entre les deux :
– L’émotion est une réaction immédiate, intense et de courte durée à un événement. Elle est souvent instinctive et s’accompagne de réactions corporelles.
– Le sentiment, quant à lui, est plus durable et réfléchi. Il est souvent la résultante d’une émotion prolongée ou répétée. Le sentiment implique une réflexion cognitive plus profonde et peut perdurer longtemps après que l’émotion initiale soit passée.
Exemples de sentiments :
– L’amour : souvent lié à des émotions de joie, d’affection et de désir.
– La haine : un sentiment persistant issu de la colère.
– La culpabilité : qui peut naître d’une émotion de honte, de colère ou de tristesse.
– La confiance : un sentiment fondé sur des émotions positives répétées dans une relation ou une situation.
En conclusion, les émotions sont des signaux essentiels de notre bien-être psychique et physique. Apprendre à les reconnaître, les nommer, à comprendre leur fonction et à les réguler nous permet de mieux vivre avec elles, d’améliorer nos relations avec nous-même et avec les autres, et d’éviter les comportements impulsifs ou destructeurs. Quant aux sentiments, ils enrichissent notre expérience émotionnelle en nous permettant d’explorer plus en profondeur les émotions que nous vivons.
J’espère que cet article vous a plu et vous aura apporté des pistes. Si vous le souhaitez, je peux vous accompagner dans ce processus de connaissance de soi et d’écoute de vos émotions.
Au plaisir d’échanger,
Laurie-Anne D.